En 2021, l'inspection fédérale du travail met l'accent sur le travail intérimaire 

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2021

Jules et Arno sont amis depuis leur enfance. Arno travaille depuis un certain temps dans l'équipe de nuit de l'usine alimentaire locale. Jules était toujours à la recherche d'un emploi et s'était donc inscrit auprès de différentes agences intérim. On l'a informé qu'il pouvait commencer à travailler en tant qu'intérimaire dans la même équipe que son ami et il a accepté l'offre avec plaisir. Quelques semaines plus tard, lors d'une discussion dans un café, les amis comparent leurs salaires et il s'avère qu'Arno a reçu une prime de nuit et pas Jules. Jules a trouvé cela étrange puisqu'ils exercent le même travail. Il s'est renseigné auprès du syndicat de l'entreprise, qui l'a orienté vers l'agence intérim. Craignant leur réaction, Jules n'a pas osé s'adresser à son agence pour l'emploi à ce sujet et s'est finalement tourné vers le Contrôle des lois sociales (CLS). Le CLS a ouvert une enquête qui a montré que Jules avait effectivement droit à la même prime de nuit qu'Arno.

Malheureusement, le cas de Jules n'est pas exceptionnel.  « Trop souvent, les travailleurs intérimaires ne bénéficient pas de tous les avantages auxquels ils ont droit en termes de rémunération. Nous en sommes conscients et, outre le traitement des plaintes, nous effectuons également de nombreux contrôles proactifs de la rémunération des travailleurs intérimaires », déclare Dirk De Pauw, inspecteur du travail - directeur du CLS.

Il s'agit parfois d'une erreur de bonne foi ou d'un malentendu entre l'utilisateur et l'agence intérim. Mais dans d'autres cas, l'intention est de maintenir le coût du travail intérimaire aussi bas que possible.

Plusieurs milliers de dossiers traités 

Les inspecteurs du travail du CLS sont chargés de contrôler le respect des conditions de travail et de rémunération en Belgique.  Ils participent également à la lutte contre la fraude sociale et le dumping social. 

Le travail intérimaire étant un acteur majeur du marché du travail, le CLS enquête régulièrement sur ce secteur.  En 2021, la direction a traité 1.482 dossiers relatifs au travail intérimaire, dont 967 de sa propre initiative.  « Ces enquêtes ont donné lieu à 2021 régularisations financières pour un montant de 1.940.420 euros, concernant 12.633 travailleurs intérimaires », précise Dirk De Pauw.

nombre de dossiers traités par CLS dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale (secteur intérim) en 2021principales infractions constatées par CLS (secteur intérim) en 2021

Dans ses enquêtes, le CLS se concentre sur quelques objectifs clés. Il veut protéger et garantir les droits des travailleurs permanents et des travailleurs intérimaires. Ce faisant, elle garantit que les travailleurs intérimaires ne sont pas utilisés comme une alternative bon marché au personnel permanent. En effet, un travailleur intérimaire a les mêmes droits qu'un travailleur permanent dans les mêmes circonstances. La rémunération ne peut donc pas être inférieure à celle d'un travailleur permanent dans les mêmes circonstances. 

« Le terme ‘rémunération’ doit être interprété ici dans son sens le plus large. Cela englobe les indemnités, primes, chèques repas, écochèques, le droit d'accès aux installations ou aux services de l'entreprise, etc. Le travailleur intérimaire a droit à tout cela, sauf si une différence de traitement est justifiée par des raisons objectives. » explique Dirk De Pauw

En poursuivant cet objectif, le CLS vise à lutter contre la concurrence déloyale, la fraude sociale et les négriers.

Différents types d'infractions

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les choses peuvent mal tourner en ce qui concerne la rémunération des travailleurs intérimaires.

Les inspecteurs constatent, par exemple, que pour les travailleurs intérimaires, une (sous-)commission paritaire est parfois appliquée et qu'elle est  « moins chère » que la (sous-)commission paritaire qui s'applique à l'employeur-l’utilisateur.  

Dans les grandes entreprises, qui concluent souvent des accords sur les conditions de travail et de rémunération internes à l'entreprise, plus favorables pour les travailleurs que les accords sectoriels, on oublie régulièrement de vérifier, dans le cas des travailleurs intérimaires, s'ils ont également droit à ces meilleures conditions de travail et de rémunération.  En d'autres termes, les travailleurs intérimaires ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail et de rémunération que les travailleurs permanents de l'employeur, et ce sans raison objective.

Certains employeurs font également travailler leurs travailleurs permanents en tant que travailleurs intérimaires après leur journée de travail normale, en effectuant les mêmes tâches que dans leur travail permanent. Etant donné que la réglementation sur la durée de travail s'applique à chaque employeur, des tentatives sont faites pour contourner les limites de la durée maximale de travail et le paiement des heures supplémentaires dues. 

Des constructions sont également mises en place pour contourner une commission paritaire « plus chère » ou des conditions de travail et de rémunération. Le travail intérimaire repose sur trois piliers : le travailleur intérimaire, l'agence de travail intérimaire et l'utilisateur. Le CLS note qu'un quatrième pilier est parfois créé, impliquant souvent 2 entreprises du même groupe.  Cette construction consiste en ce que l'agence d'intérim fournit des travailleurs intérimaires à une première entreprise ayant une commission paritaire « moins chère » (qui est donc l'utilisateur officiel), qui les envoie ensuite immédiatement dans une deuxième entreprise ayant une commission paritaire « plus chère ».  Cette seconde entreprise est donc l'utilisateur de fait des travailleurs intérimaires.  

 « Il s'agit non seulement d'un mépris flagrant des droits des travailleurs intérimaires, mais aussi d'une forme de mise à disposition interdite de personnel et d'un contournement délibéré des cotisations sociales et fiscales sur le travail », conclut Dirk De Pauw.

Ainsi, le principe de « rémunération selon le travail » s'applique également aux travailleurs intérimaires et le CLS reste vigilant quant au respect de ce principe.