Dans le contexte de la réforme du droit pénal sexuel dans le courant de l’année 2022, la loi du 21 février 2022 concernant l'inopposabilité de la nullité du contrat de travail des personnes qui se prostituent est entrée en vigueur le 31 mars 2023.
Cette loi a pour objectif de rendre inopposable aux personnes qui se prostituent la potentielle nullité de leur contrat de travail afin de lutter contre la précarité de ces travailleurs en améliorant leurs conditions de vie et de travail.
En Belgique, le fait d’engager quelqu’un dans les liens d’un contrat de travail en vue de fournir une prestation sexuelle est en principe interdit pour contrariété aux bonnes moeurs. Afin de contourner cette interdiction, des contrats de travail sont parfois conclus en faisant référence à d’autres type d’activité (horeca, massage,…).
Toutefois, la protection offerte par le contrat de travail est trop souvent illusoire. En effet, l’objet réel du contrat de travail étant contraire aux dispositions pénales, la jurisprudence majoritaire considère qu’il est frappé de nullité absolue en raison de la contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs.
Lorsque la nullité absolue d’un contrat est prononcée par un juge, le contrat est réputé n’avoir jamais existé. En matière de contrat de travail, cette nullité peut donc être soulevée tant par l’employeur que par n’importe quel tiers au contrat comme les institutions de sécurité sociale.
L’employeur ainsi que les institutions de sécurité sociale pouvaient alors se décharger de leurs obligations vis-à-vis du travailleur du sexe en soulevant que le contrat de travail n’avait jamais existé. Ce travailleur ne pouvait donc se prévaloir d’aucun droit découlant du contrat de travail, tels que le paiement des salaires convenus, les délais de préavis, ou encore des prestations de sécurité sociale pour lesquelles il a cotisé au long de la relation de travail.
En outre, l’annulation du contrat de travail entraine en principe pour le travailleur l’obligation de rembourser les salaires versés par l’employeur.
Une loi pour faire valoir les droits des travailleurs du sexe
Cette loi vise donc à remédier aux conséquences précitées et s’inscrit dans la volonté du Gouvernement d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs du sexe qui se trouvent dans une certaine précarité.
Les travailleurs du sexe peuvent donc désormais faire valoir les droits qui découlent de leur contrat de travail sans que l’employeur ou les tiers ne puissent se décharger de leurs obligations en se prévalant de la nullité du contrat de travail en raison de sa contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Une disposition similaire existe déjà en ce qui concerne les travailleurs qui fournissent des prestations de travail dans des salles de jeu (par exemple, les croupiers de casino).
Cette loi, dans la continuité des modifications apportées au Code pénal, constitue donc un premier pas vers une meilleure protection du travailleur du sexe.
Par ailleurs, le droit pénal sexuel réformé crée la possibilité de concevoir un statut de droit social à part entière qui définit les conditions dans lesquelles il est possible d’employer légalement des travailleurs du sexe dans le cadre d’un contrat de travail.
Des travaux en ce sens sont en cours en vue d’introduire un statut des travailleurs du sexe afin d’améliorer davantage leur protection. Notamment, l’idée est que seuls les employeurs qui respectent une série de conditions spécifiques en matière de santé et de sécurité pourront occuper de tels travailleurs.