La directive européenne "sanctions" impose des normes et des mesures minimales aux employeurs qui emploient des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La mission principale de la Direction générale Contrôle des lois sociales est de défendre et de faire respecter les conditions de salaire et de travail de tous les travailleurs employés en Belgique, y compris ceux qui n'ont pas de permis de séjour valide ou qui se trouvent dans une situation précaire. La coopération avec Fairwork Belgium est très précieuse à cet égard.
Anne Vanbreuse: La Directive européenne 2009/52 prévoit des normes minimales en matière de sanction et de mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour illégal. Cette directive européenne a été transcrite dans notre droit belge par la loi du 11 février 2013 qui prévoit une série de dispositions, notamment en matière d’obligations pour l’employeur. Ainsi l’employeur va être tenu de vérifier préalablement à l’occupation du ressortissant étranger la validité de son titre de séjour. Il va aussi devoir tenir à disposition des services d’inspection une copie du titre de séjour ou les données relatives à ce titre de séjour. Il va également devoir veiller à réaliser les déclarations d’entrée en service et de sortie du travailleur. En ce qui concerne la rémunération du travailleur, le travailleur ressortissant étranger a droit aux mêmes rémunérations qu’un travailleur occupé légalement sur le territoire dans le cadre d’une relation de travail comparable. Il faut également savoir que l’employeur peut être tenu solidairement responsable du paiement des frais de rapatriement, de séjour, d’hébergement ou de soins de santé des travailleurs concernés et de ceux des membres de sa famille. La loi précise encore d’autres aspects sur la rémunération. A savoir que si le travailleur est retourné dans le pays étranger, l’employeur, s’il lui doit encore des rémunérations, va devoir verser les rémunérations vers le pays étranger. Si cela occasionne des frais, l’employeur devra prendre ces frais à sa charge. Si l’employeur ne dispose pas des coordonnées du travailleur ou les coordonnées bancaires du travailleur dans le pays étranger, il devra alors dans ce cas, verser les rémunérations encore dues auprès de la caisse de dépôt et de consignation. Cette loi prévoit un système de responsabilité solidaire salariale. Ce système permet, lorsque l’employeur ne paie pas la rémunération qu’il doit au ressortissant étranger, de récupérer, d’obtenir le paiement de cette rémunération auprès de tiers que l’on appelle « Responsables solidaires ». Ces tiers pourront tantôt être le donneur d’ordre, un entrepreneur principal, voire un entrepreneur intermédiaire selon que l’on va se trouver en présence d’une chaine de sous-traitance ou pas.
Niel Vandeput: En tant qu'inspection du travail, l'une des tâches principales du Contrôle des lois sociales est de défendre et de faire respecter les rémunérations et les conditions de travail de tous les travailleurs employés en Belgique. Non seulement pour les travailleurs qui résident légalement dans le pays, mais aussi pour les travailleurs qui ne disposent pas d'un permis de séjour valide ou qui ont une situation de séjour précaire. En principe, tous les travailleurs ont droit au salaire correspondant à celui pour lequel ils ont travaillé. Il est très facile pour nous de faire respecter cela. Nous pouvons nous adresser au syndicat. Nous pouvons même nous adresser à la police si nécessaire. Nous pouvons engager nous-mêmes une procédure devant le tribunal. Ou nous pouvons également déposer une plainte auprès de l’inspection du travail. Mais c’est souvent très difficile pour les personnes qui n'ont pas de titre de séjour valide ou qui sont en séjour précaire. Ils peuvent s'adresser à nous pour cela, sans craindre d'être effectivement arrêtés et rapatriés. Nous enquêterons sur leurs plaintes autant que possible. Mais ce que nous avons remarqué, c’est qu’il est difficile d’enquêter sur ce sujet. L'emploi n'est pas indiqué. Il n’y a souvent aucune preuve. Et ils ne viennent se plaindre qu’une fois leur emploi terminé. C'est pourquoi une collaboration avec Fairwork Belgium est très intéressante. Ils collecteront avec ces travailleurs étrangers, des preuves d'emploi sous forme de messages, de photos et de vidéos. Dès que nous pouvons prouver cet emploi, nous pouvons également réclamer immédiatement 3 mois de salaire à l'employeur dans le cadre de la directive sur les sanctions, afin que ce travailleur soit correctement payé.
Jan Knockaert: Fairwork Belgium est une ASBL qui œuvre depuis vingt ans pour les droits du travail des travailleurs sans domicile légal ou en séjour précaire. Les personnes sans permis de séjour sont très vulnérables. Ils n’ont pas réellement droit à un revenu. Ils n’ont que cinq options pour générer un revenu. C'est la mendicité, un ami qui les aide, le travail du sexe, la criminalité ou le marché du travail informel. La majorité des personnes sans permis de séjour commencent à travailler sur le marché du travail informel. Cela signifie du travail non déclaré et des employeurs qui ne respectent pas les règles. Cela peut entraîner beaucoup d’exploitation, des personnes victimes d'un accident du travail et jetées sur le bord de la route, ou des salaires non payés. Nous avons l’exemple d’une personne qui travaillait dans un entrepôt. L'employeur avait promis un salaire de 1.500 euros. La personne travaillait mais elle devait toujours travailler de plus longues journées. Il n'était pas question de 8 heures, c'était immédiatement 10 heures par jour. À la fin du mois, l'employé pensait : d'accord, maintenant je vais recevoir plus de salaire. En fait, l'employeur a dit: « eh bien, je n'ai que cinq cents euros. Je vous paierai le reste de votre salaire le mois prochain, car mon client ne m'a pas encore payé. » Malheureusement pour l’employé, la même histoire s’est répétée de mois en mois. La dette, constituée de salaires non payés, de salaires volés en fait, a continué de s’accumuler. Le travailleur a confronté l'employeur et a été jeté à la rue par celui-ci parce qu'il était trop difficile. Il s’est adressé à Fairwork Belgium et, sur la base des éléments dont il disposait, des messages de son téléphone portable, des photos et vidéos qu'il avait prises pendant son travail, un message vocal laissé par son employeur lorsqu'il devait commencer à travailler à un certain jour, nous avons constitué un dossier et déposé une plainte auprès du Contrôle des lois sociales. Le Contrôle des lois sociales a commencé à travailler sur ces éléments et a confronté l'employeur. L'employeur ne pouvait plus continuer à le nier et il a régularisé.