La “Social Imbalances Procedure, ou comment notre SPF travaille parfois aussi pour le gouvernement espagnol

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2021

L’Europe sociale va-t-elle être renforcée à l’aide d’une «procédure concernant les déséquilibres sociaux» dans le Semestre européen ?  Notre SPF y travaille en tout cas déjà d’arrache-pied.  Et même si cela semble très technique, il s’agit d’une discussion qui trouve un écho jusque dans les plus hautes sphères politiques.

Le SPF Emploi fait régulièrement parler de lui dans les journaux. Mais il n’est pas si fréquent que nos travaux soient mentionnés dans le journal espagnol El País. Le 23 avril 2021, ce fut pourtant le cas :  “La propuesta ha sido suscrita por el Gobierno de Pedro Sánchez junto a Bélgica” titrait le journal. («La proposition a été signée par le gouvernement de Pedro Sánchez et la Belgique»). 

Sommet de Porto

En prélude au Sommet européen de Porto, qui allait avoir lieu les 7 et 8 mai, la Belgique et l’Espagne ont rédigé ensemble un « non paper ».  Le projet de texte a été élaboré par notre SPF en collaboration avec le SPF Sécurité sociale et les cellules stratégiques des ministres compétents et a été approuvé au niveau belge par toutes les autorités concernées. Le texte a ensuite été soumis au gouvernement espagnol qui a pu y adhérer pleinement moyennant quelques petites adaptations. Et porteurs des signatures des Premiers Ministres De Croo et Sánchez, ‘notre’ non paper a eu les honneurs de la presse espagnole - plus qu’en Belgique, pour être honnêtes.  

Ce n’est pas par hasard si le journal El País a relevé la proposition de développer, pour la politique sociale et la politique de l’emploi, un mécanisme qui fonctionnerait en parallèle de la Procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM).  Cette procédure préventive a été mise en place au début de la crise financière et doit empêcher qu’une telle crise ne bouscule l’équilibre macroéconomique de l’Union économique et monétaire européenne (UEM). Chaque année, on regarde dans le cadre de la PDM quel pays court le risque d’un tel déséquilibre et quelles mesures correctrices il devrait prendre pour pallier cela. Ces mesures sont alors reprises dans les Recommandations par pays.  Ce sont des recommandations de poids sur le plan politique, émanant de l’Europe, proposées par la Commission et validées par le Conseil.  

Dès la mise en place de cette procédure en 2010 et 2011, des voix se sont élevées dans les milieux tournant autour du Conseil EPSCO, le conseil des ministres européens de l’emploi et des affaires sociales, pour mettre au point une procédure similaire au sujet des déséquilibres sociaux :  ceux-ci peuvent également menacer la cohérence entre l’UEM et l’UE.  Mais, au début de la crise financière, la priorité était clairement ailleurs et la “Social Imbalances Procedure” (procédure concernant les déséquilibres sociaux), pour faire court, la SIP, n’a pas été inscrite à l’agenda politique, même si cela n’a pas empêché la poursuite de la réflexion dans les milieux académiques et les instituts de recherche.

Le bon moment

En 2021, le moment a semblé propice pour ressortir la proposition de la poussière : le Semestre européen qui encadre la politique économique des Etats membres de l’UE avait été mis brièvement à l’arrêt à cause du coronavirus et devait redémarrer. Le Socle européen des droits sociaux, qui a été proclamé solennellement en novembre 2017 lors du sommet de Göteborg, avait reçu une nouvelle impulsion avec le Plan d’action de la Commission européenne de mars 2021 qui contenait une proposition concrète d’objectifs à réaliser. Et l’on s’est largement rendu compte que la transition verte et numérique que l’Europe devait opérer ne pouvait pas se faire sans un volet social. Et donc l’Espagne et la Belgique ont remis la SIP sur la table.

Après le Sommet de Porto, les ministres belge et espagnol du travail, Pierre-Yves Dermagne et Yolanda Díaz, tous les deux Vice-premiers dans leur gouvernement respectif, ont adressé une lettre à leurs homologues au sein du Conseil EPSCO. Ils y présentaient la proposition de procédure telle quelle avait entre-temps été peaufinée par les deux SPF en collaboration avec les collègues espagnols. De très nombreux ministres ont exprimé leur intérêt pour la proposition, de même que la Commission. Ils ont demandé que cette proposition soit soumise au Comité de l’Emploi (EMCO) et au Comité de protection sociale (SPC).  La Présidence slovène a un peu hésité mais la Présidence française, qui allait reprendre le flambeau en 2022, a fait les démarches nécessaires. De sorte que la discussion a vraiment pu démarrer en 2022.