Le droit à la formation, une règlementation en évolution permanente

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2023

Depuis 2017, le droit à la formation a connu une évolution notable.

Alors que jusque-là, l’effort de formation était exprimé en un pourcentage de la masse salariale de tous les travailleurs (1,9%), la loi du 5 mars 2017 sur le travail faisable et maniable a concrétisé ce droit dans le chef des travailleurs en leur octroyant un droit collectif à la formation.

En 2022, le législateur a fait un pas de plus avec la loi du 3 octobre 2022 portant dispositions diverses en matière du travail en octroyant aux travailleurs à 4 jours individuels de formation en 2023 et 5 jours à partir de 2024.

Cette loi s’applique à tous les travailleurs et employeurs qui entrent dans le champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.

La notion de formation est définie de manière très large et comprend aussi bien les formations formelles que les formations informelles et peut également traiter également des matières relatives au bien-être telles que visées par loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail.

Le nombre de jours fixés dans la loi peut être modifié par une convention collective de travail conclue au niveau de la (sous)-commission paritaire.

Nous verrons ci-après de quelle manière cela s’est traduit au niveau des négociations sectorielles menées durant l’année 2023.

Parallèlement à la réforme du droit à la formation, la loi du 3 octobre 2022 a également introduit l’obligation pour les employeurs de rédiger, en concertation avec les organes de concertation existant au niveau de l’entreprise (comme le conseil d’entreprise ou la délégation syndicale) ou directement avec les travailleurs, un plan de formation.

Ces plans doivent être discutés avant le 31 mars de chaque année afin de répondre aux besoins en formation des travailleurs et encourager les discussions à ce sujet au niveau de l’entreprise.

Suivre des formations, c’est bien. Les comptabiliser, c’est mieux.

Dans ce cadre, le Conseil de l'Union européenne a recommandé aux États membres de développer des comptes individuels de formation comme moyen de :

  1. permettre aux individus de participer à des formations pertinentes pour le marché du travail et
  2. mettre en place un cadre facilitateur comprenant des possibilités d’accompagnement et de validation pour promouvoir une participation effective à ces formations.

Dans ce contexte, le Conseil de l'UE a appelé au développement d'un "portail numérique national" où les individus peuvent facilement accéder à leur compte individuel formation.

Au niveau fédéral, un tel portail a été élaboré par SIGEDIS via la plateforme www.mycareer.be.

La loi du 20 octobre 2023 (loi FLA) concrétise la création et la gestion du Federal Learning Account qui devra s’inscrire dans le portail plus large, à savoir l’INDIVIDUAL LEARNING ACCOUNT.

Le FLA remplacera le « compte formation individuel » dont il est question actuellement dans la loi du 3 octobre 2022 à l’article 55 §2.

Impact ces modifications sur le travail de la Direction des Relations collectives de travail et les négociations sectorielles.

Réforme des informations relatives à la formation sur le site emploi.belgique.be

Les modifications apportées au thème de la formation ont suscité des nombreux questionnements tant de la part des employeurs et que des professionnels comme les secrétariats sociaux et également de la part des organisations patronales.

A partir de la fin de l’année 2022 et le début de l’année 2023, la Direction générale Relations collectives de travail a dû traiter pas moins d’une centaine de questions sur le sujet, touchant notamment aux régimes dérogatoires prévus par la loi, l’application des règles déterminant le nombre de travailleurs, la nature des formations prises en compte pour contribuer à l’effort de formation, etc.

Afin de faciliter le travail des collaborateurs mais également dans un souci de transparence et de la publicité des interprétations administratives, il a été décidé de réformer les informations relatives à la formation sur le site de SPF Emploi.

Alors qu’avant, les thèmes relatifs à la formation étaient disséminés sur le site, la Direction générale des Relations collectives de travail a proposé à la Direction de la communication de regrouper ce thème pour réunir l’ensemble de toutes les informations sous un seul thème « Formation ».

Ce nouveau thème se subdivise en 4 thématiques :

Le thème reprend également une liste des questions les plus fréquemment posées (FAQ) pour fournir une réponse « standard » aux questions posées dans le domaine de la formation et des plans de formation :

Impact sur les négociations sectorielles

Au 31 décembre 2023, on dénombrait 98 commissions paritaires et 64 sous-commissions paritaires.

Sur ce total de 162 organes paritaires, 79 ont donc conclu une convention collective de travail en rapport avec la loi formation.

Cela représente donc presque 50 % des commissions paritaires qui ont pris des dispositions particulières en cette matière.

Ces conventions collectives de travail contiennent des informations relatives au nombre de jours de formation auxquels les travailleurs ont droit mais également (en cas de dérogation au principe général) la date à laquelle les travailleurs de ce secteur pourront prétendre à 5 jours de formation.

Pour les secteurs qui n’auraient pas déposé une convention collective de travail relative à la formation pour le 30 septembre 2023 (date limite pour les secteurs de déroger éventuellement au régime instauré par la loi), les travailleurs sont en droit de revendiquer auprès leur employeur 4 jours de formation en 2023 et 5 jours à compter de l’année 2024.

Le nombre de (sous)-commissions paritaires (qui ont conclu une « CCT formation ») qui prévoient déjà 5 jours de formation et ce conformément à la loi, s’élève à 21 %.

En termes nominaux, cela représente presque 223.973 travailleurs des secteurs concernés (sur base des chiffres ONSS, 3ème trimestre 2023), soit 18.213 ouvriers et 205.760 employés qui bénéficieront déjà de 5 jours de formation individuelle en 2024 et qui ont bénéficié en 2023 de 4 jours de formation.

La majorité des (sous)-commissions paritaires, soit 68 %, prévoient une trajectoire de croissance pour les années 2023-2030, avec la réalisation de 5 jours de formation d’ici l’horizon 2030, moyennant une augmentation de jours de formation au moins une fois par période de deux ans correspondant à un accord interprofessionnel.

Seulement 1% des (sous)-commissions paritaires, prévoient que leurs travailleurs bénéficieront de 5 jours de formation après 2031 suite à une trajectoire de croissance plus étendue.

Le compte formation individuel ou le Federal Learning Account

La Direction générale Relations collectives de travail a également collaboré à la rédaction et a pris en charge la préparation législative de la loi du 20 octobre 2023 relative à la création et la gestion du « Federal Learning Account ».

Dans ce cadre, la Direction générale Relations collectives de travail collabore depuis fin 2022 avec SIGEDIS pour répondre aux questions d’ordre juridique qui se posent à l’occasion de l’intégration de ces droits à la formation dans l’application informatique et a participé et participe toujours au groupe de pilotage en charge du projet.

Dans l’esprit des recommandations européennes, cette loi met au point le développement d’une application électronique qui permettra au travailleur et à son employeur de gérer les droits à la formation, contiendra les formations qui ont été suivies par le travailleur et donnera également un aperçu des droits légaux et sectoriels à la formation.

Comme déjà signalé, cette application remplacera le « compte formation individuel » dont question actuellement dans la loi du 3 octobre 2022 à l’article 55 §2.

Le lancement effectif de l’application est fixé au 1er avril 2024.

L’année 2023 a donc été riche en différents développement en matière de formation tant en renforçant les droits à la formation des travailleurs qu’en leur offrant des outils leur permettant de disposer d’un aperçu de leurs droit en mettant un accent sur les possibilités d’évolution sur le marché du travail.