Thème principal
Analyse des risques dans le secteur de la coiffure: obstacles et outil informatisé
Sous-thème
L'analyse des risques est la base de la législation du bien-être au travail de 1996 en matière de prévention des risques professionnels au sein des entreprises. Si la directive cadre européenne à l'origine de la loi du bien être remonte à 1989, force est de constater que cette analyse des risques est peu réalisée. En Belgique mais aussi dans d'autres pays voisins, on cite des chiffres de l'ordre de 25% des entreprises qui réaliseraient cette analyse. Le problème vient notamment des petites et moyennes entreprises où les conseillers en prévention sont peu présents. Dans les très petites entreprises (TPE, moins de 20 travailleurs), c'est l'employeur lui-même qui devrait assumer cette fonction de conseiller en prévention.
Les objectifs du présent marché sont d'une part d'analyser au sein des entreprises de moins de 20 personnes du secteur de la coiffure tous les obstacles, freins, réticences à l'analyse des risques mais aussi tous les facteurs favorisant ou qui pourraient favoriser celle-ci. D'autre part, l'objet du marché sera aussi de développer à partir du générateur d'outil OiRA de l'agence de Bilbao un outil informatisé d'aide à l'analyse des risques dans ce secteur.
Timing
2011 - 2013
Commanditaire
Direction de la recherche sur l’amélioration des conditions de travail (DiRACT)
Equipe de recherche
PREVENT: Lieven Eeckelaert, Bram Schittecatte, Karla Van den Broek, Rik Op De Beeck
Projet de recherche
Objectifs
L’étude que Prevent a menée pour le Service Public Fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale (SPF ETCS) s’inscrit dans le projet 'Analyse des risques dans le secteur de la coiffure : obstacles et outils informatisés'. Le but était de vérifier quels facteurs pouvaient faire obstacle ou stimuler l’analyse des risques dans le secteur de la coiffure pour finalement aboutir à un instrument d’analyse des risques approprié sur la base de l’application web OiRA.
Afin de connaître les besoins du secteur de la coiffure, une première esquisse de la situation socio-économique des coiffeurs a été dressée. Prevent a ensuite étudié la littérature pour vérifier à quels risques les coiffeurs sont confrontés en Europe et en Belgique et quelles attitudes ils adoptent face à ces risques. Pour la dernière partie de l’étude, des enquêtes et des interviews ont été conduites auprès de coiffeurs belges et de parties prenantes.
Le projet a été exécuté en collaboration et avec le soutien d’un comité d’accompagnement. Ce comité se compose de partenaires/experts qui travaillent dans le secteur ou ont de l’expérience avec le secteur belge de la coiffure: les partenaires sociaux de la Commission paritaire 314 (UBK/UCB et les organisations syndicales ACV-CSC, ABVV-FGTB, ACLVB-CGSLB), l’enseignement, les services externes de prévention et de protection au travail (Co-Prev) et les médecins du travail (A.P.B.M.t.), DETIC et le SPF ETCS. La progression et les résultats ont été présentés et discutés lors de quatre réunions. Cela a permis de rectifier l’approche et l’outil OiRA.
Résultats
Secteur de la coiffure
Le secteur belge de la coiffure totalise quelque 4.200 employeurs, avec environ 11.100 salariés, dont 57% travaillent en Flandre, 30% à Bruxelles et 13% en Wallonie. Plus de la moitié des salariés travaillent à temps partiel. Outre les salons de coiffure employant du personnel, la Belgique compte également 13.000 coiffeurs artisanaux (coiffeurs sans personnel).
Dans la plupart des cas, il s’agit de très petites entreprises (TPE) avec moins de 10 travailleurs. On dénombre en moyenne 2 à 3 collaborateurs par salon de coiffure. Plus de 75% des travailleurs dans un salon de coiffure sont actifs dans de telles micro-implantations et près de 60% dans des salons employant moins de cinq personnes.
Le métier de coiffeur est avant tout un métier de femme. Près de 90% des coiffeurs sont de sexe féminin. Le secteur de la coiffure se caractérise en outre par un effectif jeune: la moitié ont moins de 30 ans et un cinquième moins de 25 ans. Autre élément qui se doit d’être mentionné: 85% ont moins de 45 ans.
Le secteur connaît de nombreux départs et arrivées de personnel: 25% de travailleurs s’y ajoutent chaque année et 25% cessent leur activité. Un tiers des starters s’arrêtent après le premier contrat temporaire. Le métier de coiffeur est par conséquent une profession critique. Les raisons les plus souvent évoquées sont les conditions de travail peu favorables et les relations: un salaire bas, un travail lourd et nocif pour la santé, des horaires de travail peu attrayants, un ensemble de tâches peu attrayant et une mauvaise relation avec l’employeur.
Accidents du travail et problèmes de santé
Peu d’informations spécifiques sont disponibles sur le nombre ou la nature des accidents du travail et des maladies professionnelles dans le secteur de la coiffure. Le Fonds des Maladies professionnelles (FMP) dispose toutefois de chiffres sur le nombre de nouveaux cas de maladies professionnelles reconnues pour le secteur entre 2007 et 2011, soit 114 nouveaux cas au total. Il s’agit essentiellement de maladies de peau liées au travail (près de 80%).
Politique de bien-être pour les coiffeurs : EU: Accord-Cadre et CCT pour le secteur de la coiffure
Outre les directives européennes et les législations nationales en matière de sécurité et de santé au travail, beaucoup de choses ont été faites au cours de la dernière décennie afin de protéger la santé des collaborateurs des salons de coiffure et préserver l’avenir du secteur. Les partenaires sociaux européens ont décidé de franchir une nouvelle étape en négociant un Accord-cadre (Framework Agreement). Ce Accord-cadre a été signé en avril 2012 et s’applique à tous les employeurs et travailleurs du secteur. Il a pour objectif de soutenir une approche intégrale de la protection et de l’amélioration de la sécurité et de la santé dans le secteur de la coiffure.
En Belgique, le contrat cadre européen forme la base de la convention collective de travail (CCT) belge équivalente sur la prévention des risques pour la santé dans le secteur de la coiffure. Cette CCT a été conclue le 25 janvier 2012 entre les partenaires sociaux (Commission paritaire de la coiffure et des soins de beauté n°314) et a été déclarée contraignante par l’Arrêté Royal du 20 février 2013 (MB du 23 mai 2013).
La CCT met également l’accent sur l’importance de l’analyse des risques qui doit constituer la base de la politique de prévention.
Etude sectorielle
Au total, 65 questionnaires ont été complétés et 23 interviews ont été réalisées, soit un total de 88 répondants issus de Flandre, Bruxelles et Wallonie. Environ 60% des répondants étaient des gérants, 30% des salariés et 6% des coiffeurs en formation. 70% étaient de sexe féminin. La plupart des répondants (environ 50%) travaillaient dans un salon de coiffure employant entre un et quatre collaborateurs, un tiers dans un salon de coiffure employant plus de quatre collaborateurs et un cinquième étaient indépendants (sans personnel).
Lorsqu’on leur a demandé si une analyse des risques avait été réalisée dans le salon de coiffure, près de 70% des participants ont répondu par la négative. Cela vaut aussi bien pour les gérants/indépendants que pour les salariés. Dans les salons de coiffure où une analyse des risques avait été réalisée, c’est généralement un service externe qui s’en est chargé. Seuls cinq répondants ont mentionné que les collaborateurs avaient réalisé eux-mêmes l’analyse des risques. Dans les salons de coiffure où aucune analyse des risques n’avait jamais été réalisée, la majorité des répondants ont affirmé qu’ "ils n’auraient pas su comment s’y prendre" (23x) ou que "ce n’est pas nécessaire dans un salon de coiffures" (10x).
Les parties prenantes ont confirmé que les coiffeurs ne savaient souvent pas ce que comprenait une analyse des risques et que la plupart n’en avaient jamais réalisée. Ils indiquent toutefois que le terme 'analyse des risques' effraie peut-être les coiffeurs et que, comme les risques étaient généralement les mêmes dans tous les salons de coiffure, il est conseillé de se concentrer sur les mesures effectives qui peuvent être prises dans la pratique.
Développement d'OiRA Coiffure
Récemment, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) a lancé l’outil OiRA (Online interactive Risk Assessment, www.oiraproject.eu) qui cible spécifiquement les (très) petites entreprises. L’Agence met l’application web OiRA à la disposition des partenaires sociaux et des instances publiques nationales des États membres afin d’élaborer et de diffuser des instruments d’analyse des risques pour des (sous-)secteurs spécifiques.
Tous les outils OiRA sont construits de la même manière. Une fois identifié, l’utilisateur final (l’entreprise) parcourt cinq étapes:
- Préparation: l’utilisateur final découvre l’instrument à l’aide d’un texte d’introduction.
- Identification: l’utilisateur final parcourt les risques/problèmes et répond par "oui" ou "non" (ou "ne s’applique pas").
- Estimation: l’utilisateur final évalue les risques pour chaque problème/risque qui a été indiqué. Il le fait à l’aide d’une estimation (élevé-moyen-faible) ou d’un calcul (probabilité, fréquence, gravité).
- Plan d’action: l’utilisateur final élabore un plan d’action avec des mesures pour traiter tous les risques mentionnés.
- Rapport: le plan d’action devient un rapport qui peut être téléchargé.
Avant de débuter la conception de la structure d’'OiRA Coiffure', Prevent a d’abord dressé un aperçu de la structure et du contenu de l’information inventoriée et des instruments existants en Belgique et à l’étranger. La CCT 2012/31400/71 a constitué la base de ce qui devait être repris au minimum.
L’instrument d’analyse des risques a été réparti en sept modules, reposant sur les différents risques qui se présentent sur le lieu de travail: produits cosmétiques de coiffure, protection de la peau, aménagement et entretien du salon, mobilier et position de travail, matériel et vêtements du coiffeur, organisation du travail, et personnel & prévention.
Conclusion
Le secteur de la coiffure est clairement tourmenté par différents risques professionnels. Le concept (et l’exigence légale) d’« analyse des risques » est très peu connu et celle-ci n’est réalisée que dans une mesure très limitée (essentiellement par des services externes).
Dans le rapport final du projet, les chercheurs de Prevent ont également indiqué quels étaient et sont les principaux défis et difficultés liés au développement d’un instrument OiRA. Il n’a par exemple pas toujours été simple de trouver le bon équilibre entre l’exhaustivité et la clarté (veiller à ce que tous/la plupart des risques soient abordés et décrits de manière claire) et la convivialité (textes courts, phrases courtes, langage clair…). Le langage utilisé dans les instruments OiRA doit être facile à comprendre, sans besoin d’interprétation. Il est important d’utiliser des dénominations avec lesquelles les entreprises sont familiarisées et qu’elles utilisent couramment.
L’outil OiRA Coiffure est accessible à tous, quel que soit le secteur d’activité, via le lien https://client.oiraproject.eu. Il suffit de s’enregistrer gratuitement.
Publications
Rapport final (uniquement disponible en néerlandais)
Risicoanalyse in de kapperssector: Hinderpalen en geïnformatiseerde tools, 2013 (PDF, 2.43 Mo)
Auteurs: Lieven Eeckelaert, Karla Van den Broek, Marie-Noëlle Rasson, Bram Schittecatte, Odette Wlodarski
Résumé du rapport final
Analyse de risques dans le secteur de la coiffure, 2014 (PDF, 278.51 Ko)
Auteurs: Lieven Eeckelaert, Karla Van den Broek, Marie-Noëlle Rasson, Bram Schittecatte, Odette Wlodarski
Renseignements complémentaires
Si vous souhaitez obtenir des informations supplémentaires au sujet de cette recherche ou des publications, vous pouvez prendre contact avec la Direction de la Recherche sur l'Amélioration des Conditions de Travail (DIRACT), Rue E. Blérot 1 - 1070 Bruxelles, alain.piette@emploi.belgique.be.