La prise et la démonstration de toutes les mesures nécessaires
Tout comme la directive européenne, l’accord de coopération n’impose pas des prescriptions techniques détaillées. L’obligation de base d’application pour tous les établissements Seveso est l’obligation générale de soin et de preuve. Celle-ci implique que l’exploitant:
- doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les accidents majeurs et limiter les conséquences d’éventuels accidents pour l’homme et l’environnement
- doit pouvoir démontrer à tout moment aux autorités compétentes, et en particulier aux services d’inspection, qu’il a pris effectivement toutes les mesures nécessaires qui sont stipulées dans l’accord de coopération.
Prévenir les accidents majeurs et en limiter les conséquences
Lors de la prise de mesures, un double objectif doit donc être visé: aussi bien la prévention des accidents majeurs que la limitation de leurs conséquences.
Si l’on combine ce double objectif avec la définition d’un accident majeur, alors l’exploitant doit prendre toutes les mesures nécessaires pour:
- prévenir des émissions majeures
- prévenir des incendies et des explosions
- limiter les conséquences d’émissions majeures pour l’homme et l’environnement
- limiter les conséquences d’incendie pour l’homme et l’environnement
- limiter les conséquences d’explosions pour l’homme et l’environnement.
L’obligation de prévenir et limiter les accidents majeurs implique que l’on applique les différentes stratégies préventives et de limitation des dommages qui sont couramment utilisées dans la sécurité des installations de procédé. Ainsi, l’accord de coopération rejoint le principe général que la maîtrise technique des risques de procédé est basée sur une superposition de différentes couches de protection. L’expérience accumulée au fil des années avec les installations de procédé a en effet démontré que, malgré tous les efforts pour prévenir la libération indésirable de substances, même dans des entreprises utilisant les standards de sécurité les plus élevés, de telles libérations se produisent quand même et que les conséquences peuvent être très graves. C’est pourquoi des stratégies de limitation des dommages sont ajoutées de manière complémentaire aux stratégies préventives. Pour ce faire, on se laisse guider principalement par la survenue possible des dommages plutôt que leur probabilité.
Un développement détaillé des stratégies de prévention et de limitation des dommages fait l’objet de la note d’information "Etude de sécurité des procédés". Dans celle-ci, 2 "fonctions de sécurité" préventives et 6 concernant la limitation des dommages sont définies. En outre, une série d’outils d’inspection pour des fonctions de sécurité a été développée.
La prévention des émissions majeures
La prévention d’émissions majeures nécessite en pratique l’identification systématique de toutes les causes possibles de libérations indésirables ou accidentelles de substances dangereuses hors de l’installation et la prise de mesures pour réduire suffisamment la probabilité de telles libérations.
La notion de "majeur" ne joue ici finalement aucun rôle important. En effet, on ne peut pas exclure à priori des causes de libérations sans évaluer les conséquences. Des libérations ne peuvent pas non plus être classées précisément et de manière univoque comme majeures ou pas. Tout d’abord, il n’y a pas de définition précise de la notion de ‘majeur’. Même si l’on rédigeait pour cela des critères bien définis, le dommage potentiel à attendre ne peut pas être déterminé exactement. Les évènements qui peuvent être la conséquence d’une libération de substances comportent en effet beaucoup d’incertitudes.
Par contre on peut dire avec certitude que l’on satisfait à l’obligation de prévenir des émissions majeures si l’on identifie toutes les causes possibles d’une libération et que pour chaque cause, on prend les mesures nécessaires pour prévenir celle-ci tout en tenant compte de la gravité potentielle des conséquences d’une libération. On peut en effet classer les libérations accidentelles identifiées comme ‘majeure’ ou comme ‘non majeure’, et une telle classification peut alors être utilisée pour faire une sélection des scénarios.
Prévenir les émissions majeures ne signifie pas seulement prévenir que des substances soient libérées accidentellement, mais aussi que l’on prend des mesures qui arrêtent une fuite vers l’environnement. Il s’agit de la première stratégie de limitation des dommages que l’on peut appliquer après qu’une libération ait eu lieu.
La prévention des incendies et des explosions
La prévention des incendies et des explosions commence par la prévention de la libération de substances combustibles. Nous avons déjà expliqué ci-dessus l’obligation de prévenir des libérations indésirables. L’obligation de prévenir les incendies et les explosions en est donc une confirmation. La prévention des incendies et des explosions signifie plus exactement que l’on prend des mesures pour prévenir la formation d’un nuage explosif et pour prévenir les sources d’inflammation.
Les explosions ne peuvent pas seulement être la conséquence de l’inflammation d’un mélange inflammable d’oxygène et de substances combustibles, mais aussi la conséquence de la rupture explosive d’un équipement (c’est ce que l’on appelle des "explosions physiques"). Un troisième type d’explosions que l’on doit prévenir sont les explosions de substances explosives.
La limitation des conséquences d’émissions majeures pour l’homme et l’environnement
La protection de l’homme contre l’exposition aux substances libérées (et donc la limitation des conséquences) peut se faire de différentes manières:
- éviter préventivement la présence de personnes dans des zones avec un risque élevé d’exposition
- évacuer à temps les personnes hors des zones menacées par des substances libérées
- prévenir que des substances se propagent vers des personnes
- l’usage d’équipements de protection collective et individuelle (tels que des bâtiments étanches aux gaz)
- premiers secours.
Ces stratégies sont complémentaires: une série spécifique de mesures ne rend pas l’autre inutile.
La protection de l’environnement contre les conséquences d’émissions majeures devra principalement être réalisée en empêchant le contact des substances libérées avec des parties sensibles de l’environnement. Des mesures pour contrecarrer la propagation de substances menaçant l’environnement, sont donc très importantes en la matière.
La limitation des conséquences des incendies pour l’homme et l’environnement
La limitation des conséquences des incendies pour l’homme peut se faire de différentes façons:
- limiter préventivement la présence de personnes dans des zones avec un risque élevé d’incendie
- détection à temps de l’incendie, suivie de l’évacuation
- ralentir la propagation d’un incendie vers des zones où se trouvent des personnes (par exemple en appliquant le compartimentage incendie, l’extinction de l’incendie)
- l’usage d’équipements de protection individuelle (vêtements retardateurs de feu)
- premiers secours.
Les principaux risques d’un incendie pour l’environnement sont liés à la propagation de l’eau d’extinction contaminée dans l’environnement et à l’extension de l’incendie vers le voisinage et aux dommages à l’environnement qui en découlent.
La limitation des conséquences des explosions pour l’homme et l’environnement
Les stratégies suivantes peuvent être utilisées pour limiter les conséquences d’explosions:
- le respect de règles d’éloignement
- limiter préventivement la présence de personnes dans des zones avec un risque élevé d’explosion
- le cloisonnement d’une source de danger d’explosion (à l’aide de murs résistants aux explosions)
- la protection de bâtiments contre les effets d’une explosion.
Ces stratégies sont en pratique surtout utilisées pour la protection de l’homme, mais peuvent en principe aussi être utilisées pour la protection du voisinage (l’infrastructure et les parties de l’environnement qui pourraient subir directement les dommages d’une explosion).
Le devoir de preuve
La deuxième obligation, à savoir le devoir de preuve, est très spécifique pour la réglementation Seveso. Le devoir de preuve est ainsi confié aux entreprises. On peut voir cette obligation comme une contrepartie pour l’absence de toutes prescriptions techniques. On peut argumenter que, vu l’absence totale de prescriptions (détaillées) générales, une enquête sur mesure, pour chaque entreprise séparément, sur la présence des mesures nécessaires est indispensable, en particulier via des inspections. On attend de l’exploitant un rôle actif pendant les inspections, entre autres en donnant des explications, en montrant et en tenant à disposition tous les documents pertinents.
Le devoir de preuve implique en premier lieu qu’il doit être clair quelles mesures ont été prises pour prévenir les accidents majeurs et en limiter les conséquences. Ensuite, on doit pouvoir démontrer que l’on a analysé la nécessité pour la prise de mesures d’une manière systématique. On doit pouvoir argumenter pourquoi les mesures prises sont suffisantes pour maîtriser les risques d’accidents majeurs. Finalement, il est nécessaire que l’on démontre que les mesures prises sont efficaces et fiables et que les éventuels risques que les mesures amèneraient elles-mêmes, sont suffisamment maîtrisés. Des mesures sont efficaces si elles réalisent l’effet escompté. La fiabilité de mesures est liée à la probabilité qu’une mesure fonctionne correctement au moment où elle est sollicitée. Il apparaît évident que la documentation des mesures, de la fixation et de la conception jusqu’à l’enregistrement de l’inspection et de l’entretien, joue un rôle important dans le devoir de preuve.
Dans la note d’information "Etude de sécurité des procédés", on aborde en détails la réalisation d’études pour déterminer les mesures nécessaires et la manière dont ceci peut être documenté.