Contrat de travail de travailleur du sexe

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    Contexte

    En Belgique il est interdit d’organiser la prostitution d’une autre personne dans le but d’en retirer un avantage. Il s’agit d’une forme de proxénétisme passible de sanctions pénales (article 433quater/1 du Code pénal).

    Toutefois, dans les cas prévus par la loi, il peut être dérogé à cette interdiction.

    Etant donné la nature intime des activités de prostitution et la charge émotionnelle potentiellement élevée à laquelle les travailleurs du sexe sont exposés, le législateur a souhaité mettre en place un cadre spécial et sécurisant tenant compte du caractère particulier du travail dans ce secteur.  C'est dans ce contexte que la loi du 3 mai 2024 fixe les conditions dans lesquelles il est possible d'occuper légalement des travailleurs du sexe sous contrat de travail. 

    Cette loi entre en vigueur le 1er décembre 2024.

    Remarque : le Code pénal n’interdit pas en soi la prostitution mais juste l’organisation de la prostitution d’autrui. Cela signifie qu’il n’est pas interdit de se prostituer pour son propre compte. Les travailleurs du sexe indépendants ne sont donc pas visés par cette loi.

    Principes

    La loi du 3 mai 2024 ne s'applique qu’aux travailleurs du sexe occupés par un employeur agréé dans le cadre d'un contrat de travail.

    D’une part, la relation de travail est aménagée de manière spécifique afin de permettre le respect des droits et libertés qui sont communément reconnues aux travailleurs du sexe, à savoir le droit de refuser un partenaire sexuel, le droit de refuser des actes sexuels spécifiques, le droit d’interrompre ou d’arrêter l’activité à tout moment et le droit d'imposer ses propres conditions à l’activité ou l’acte sexuel.

    D’autre part, seuls les employeurs ayant obtenu un agrément préalable peuvent occuper des travailleurs du sexe dans le cadre d'un contrat de travail.  Sans cet agrément, un employeur qui occupe des travailleurs du sexe risque d'être poursuivi pour proxénétisme. L'obtention de l'agrément est soumise à des conditions strictes pour prévenir d’éventuels abus.

    Notion

    Le contrat de travail des travailleurs du sexe est le contrat par lequel un travailleur du sexe s'engage, moyennant rémunération et sous l'autorité d'un employeur agréé, à effectuer des actes de prostitution.

    Remarque : Il s’agit d’actes sexuels impliquant un contact physique. Les prestations purement numériques via une webcam, la présentation d’images personnelles, ainsi que la création de pornographie et les actes de strip-tease n’entrent pas dans le champ d’application de cette loi.

    Le contrat de travail de travailleur du sexe est un contrat de travail particulier. C’est-à-dire qu’il est en principe régi par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Toutes les dispositions du droit du travail et du droit de la sécurité sociale s'appliquent à ce contrat de travail, sauf s'il y est dérogé par les dispositions particulières de la loi du 3 mai 2024.

    Si un employeur n'agit pas conformément aux dispositions de la loi du 3 mai 2024 (par exemple, l'employeur n'est pas agréé, l'employeur occupe des mineurs ou des étudiants, l'employeur ne conclut pas de contrat de travail écrit, etc.), il peut être poursuivi pénalement pour proxénétisme.  C'est également le cas si l'employeur permet aux travailleurs du sexe de travailler en tant que faux indépendant.  Dans ce cas, le faux indépendant travailleur du sexe pourra invoquer l'existence d'un contrat de travail ordinaire à l'encontre de l'employeur. Dans cette situation, l'employeur ne pourra pas invoquer la nullité du contrat de travail à l'encontre du travailleur du sexe. C'est ce que prévoit la loi du 21 février 2022 concernant l'inopposabilité de la nullité du contrat de travail des personnes qui se prostituent.

    Dispositions spécifiques pour les travailleurs du sexe

    • Qui peut conclure un contrat de travail de travailleur du sexe ?

    Seules les personnes majeures peuvent conclure des contrats de travail de travailleur du sexe. En effet, il est strictement interdit aux mineurs de travailler ou de faire travailler des mineurs comme travailleurs du sexe.

    Il est également interdit pour l’employeur d’occuper sous contrat de travail de travailleur du sexe les personnes ayant le statut d’étudiant.

    Il n'est pas non plus possible d’effectuer du travail du sexe dans le cadre d’un flexi-job ou sous le statut de travailleur occasionnel au sens de la législation sur la sécurité sociale (p.ex., les extras dans le secteur horeca).

    Il est également interdit à l'employeur de mettre un travailleur du sexe qu’il occupe à la disposition d'un tiers qui utilise les services de ce travailleur du sexe et exerce sur lui une part de l'autorité de l'employeur qui appartient normalement à ce dernier (par ex : l’intérim est interdit).

    Enfin, il n’est actuellement pas possible d’effectuer le travail du sexe sous forme de travail en domicile. La loi prévoit des conditions supplémentaires pour cette forme particulière de travail, et notamment l’adoption d’un arrêté royal en matière de sécurité, de santé, de bien-être et de qualité du travail pour les travailleurs du sexe ainsi que l’adoption d’une convention collective de travail au sein de la commission paritaire compétente.  

    • Quelles sont les conditions de forme pour conclure un contrat de travailleur du sexe ?

    Le contrat de travail des travailleurs du sexe doit être établi par écrit pour chaque travailleur du sexe individuellement, au plus tard au moment du début de l'exécution du contrat.  Ce contrat doit obligatoirement mentionner le numéro d'agrément de l'employeur.  Une copie du contrat de travail doit être conservée, sous forme papier ou électronique, au lieu où le règlement de travail peut être consulté.

    En outre, le contrat de travail de travailleur du sexe peut être conclu à durée déterminée ou indéterminée. Il peut être conclu à temps plein ou à temps partiel. Les conditions de forme de ces différents types de contrats doivent également être respectées.

    • Règles spécifiques concernant l’exécution du travail du sexe  

    Dans le droit fil du principe général du libre consentement en matière de sexualité, la loi prévoit explicitement que le travailleur du sexe reste libre de consentir ou non à un acte sexuel à tout moment, quels que soient les accords convenus au préalable avec l'employeur ou le client.  À aucun moment, un travailleur du sexe ne peut être contraint d'accomplir un acte de prostitution.

    Ainsi, le travailleur du sexe a le droit de refuser à tout moment des rapports sexuelles avec un client ou l’accomplissement de certains actes sexuels, de cesser ou d'interrompre l'activité sexuelle, ou d'imposer ses propres conditions à l'activité ou à l'acte sexuel.  Le travailleur du sexe n'a pas à justifier la raison pour laquelle il utilise ce droit.  L'exercice de ce droit ne peut être considéré comme un manquement à l'exécution du contrat de travail la part du travailleur du sexe.

    Si le travailleur du sexe exerce son droit de refuser certaines activités sexuelles, il conserve le droit au paiement du salaire ordinaire calculé selon la législation sur les jours fériés. Toutefois, le travailleur du sexe doit s'abstenir de tout abus de droit dans l'exercice de ces droits.

    Le travailleur du sexe peut également refuser toute forme d'exposition s'il existe des indications concrètes que celle-ci mettrait en péril sa sécurité ou son intégrité (par exemple, l'exposition dans une vitrine).

    Lorsque le travailleur du sexe exerce l’un des droits de refus décrits ci-dessus, l'employeur ne peut prendre aucune mesure défavorable à l'encontre du travailleur du sexe, sauf pour des raisons non liées à l'exercice de ces droits.

    Si l'employeur prend une telle mesure dans les six mois suivant l'exercice de l'un de ces droits, sans raison ou en raison de l'utilisation des droits susmentionnés, il doit verser au travailleur du sexe une indemnité égale soit à six mois de salaire brut, soit au préjudice réellement subi par le travailleur du sexe.

    Si l'employeur rompt unilatéralement le contrat de travail dans un délai de six mois à compter du jour où le travailleur a exercé l'un des droits susmentionnés, il doit verser des dommages-intérêts forfaitaires égaux à six mois de salaire brut, sans préjudice de l'indemnité due en cas de rupture du contrat de travail.

    Il incombe à l'employeur de prouver que le licenciement ou la mesure défavorable a eu lieu pour des raisons non liées à l'exercice de l'un de ces droits.

    Tout acte de l'employeur après la fin de la période de protection qui vise à mettre fin unilatéralement au contrat de travail et qui a été préparé pendant cette période (par exemple, la décision de licenciement) est considéré comme un licenciement pendant la période de protection.

    Remarque : si un travailleur du sexe fait fréquemment usage de son droit de refuser d'avoir des relations sexuelles avec un client ou d'accomplir certains actes sexuels, cela peut indiquer que quelque chose ne va pas dans les conditions de travail. C'est pourquoi la loi prévoit une procédure supplémentaire spécifique permettant de faire appel au Contrôle du Bien-être au Travail. Lorsqu'un travailleur du sexe a exercé son droit de refus plus de dix fois en six mois, l'employeur et le travailleur peuvent demander au CBE d'intervenir, sans préjudice des possibilités de recours au CBE dans le cadre des procédures déjà existantes prévues par la réglementation relative au bien-être des travailleurs dans l'exercice de leur activité et par le Code pénal social.

    Conditions d’agrément pour les employeurs

    Seuls les employeurs qui ont obtenu un agrément préalable conformément à la loi du 3 mai 2024 sont autorisés à occuper des travailleurs du sexe.

    Pour être agréés, les employeurs doivent remplir une série de conditions.  Il s'agit de conditions formelles qui doivent être remplies au préalable et de conditions d’occupation qui doivent être remplies pendant la période d’agrément.

    Les conditions formelles à remplir sont les suivantes :

    1. L'employeur doit être une personne morale ayant la forme juridique d'une société à responsabilité limitée (mais pas d'une société unipersonnelle), d'une société coopérative ou d'une association sans but lucratif. Les personnes physiques ne peuvent en aucun cas obtenir d’agrément.

    2. L'employeur doit avoir un siège social ou un siège d’exploitation en Belgique.

    3. Les administrateurs doivent être clairement identifiés par leur nom, leur prénom et leur numéro de registre national.

    4. Les administrateurs ne doivent pas avoir été condamnés à une peine correctionnelle ou criminelle, en Belgique ou à l'étranger, pour l'une des infractions suivantes :

    • le voyeurisme, la diffusion non consensuelle d'images et d'enregistrements à caractère sexuel, l'attentat à la pudeur et le viol
    • la corruption de la jeunesse et la prostitution ;
    • l'homicide, les lésions corporelles volontaires, la torture, le traitement inhumain et le traitement dégradant ;
    • les infractions portant atteinte à l'intégrité sexuelle, au droit à l'autodétermination sexuelle et aux bonnes mœurs ;
    • l'exploitation de la mendicité, l'abus de la prostitution, la traite des êtres humains, le trafic d'organes humains et l'abus de la vulnérabilité d'autrui en vendant, louant ou mettant à disposition de biens en vue de réaliser un profit anormal ;
    • les atteintes à la liberté individuelle et à l'inviolabilité du domicile ;
    • le vol et l'extorsion ;
    • les fraudes.

    5. Les statuts de la société ou de l'association doivent mentionner expressément que tous les droits et libertés des travailleurs du sexe seront respectés, notamment ceux prévus par la loi du 3 mai 2024 et en particulier les droits et libertés suivants :

    • à aucun moment, un travailleur du sexe ne peut être contraint à accomplir un quelconque acte de prostitution ;
    • un travailleur du sexe peut refuser une personne comme partenaire sexuel;
    • un travailleur du sexe peut refuser des actes sexuels ;
    • à tout moment, un travailleur du sexe peut arrêter ou interrompre une activité sexuelle ;
    • un travailleur du sexe peut imposer ses propres conditions à l'activité sexuelle ou à l'acte sexuel.

    Au-delà de ces conditions relatives à la forme de la société ou de l’association ainsi que des conditions relatives à l’occupation des travailleurs du sexe énoncées ci-avant, l’employeur doit également respecter les conditions suivantes :

    1. L'employeur ne peut déléguer à des sous-traitants l'exercice de son autorité et de ses obligations à l'égard des travailleurs du sexe.
    2. Ni les administrateurs, ni le personnel de direction ou d'encadrement ne peuvent avoir été condamnés à une peine correctionnelle ou criminelle, en Belgique ou à l'étranger, pour l'une des infractions énumérées ci-dessus au point 4.
    3. L'employeur doit garantir la disponibilité permanente d'au moins une personne de référence pendant toute la période où il y a des prestations de travail.  Il s'agit d'une personne désignée par l'employeur pour être à la disposition des travailleurs du sexe et pour veiller à ce que le travail du sexe soit effectué en toute sécurité.  La personne de référence doit être en mesure d'aider un travailleur du sexe en cas d'urgence.  La manière dont les travailleurs du sexe peuvent contacter la (les) personne(s) de référence doit être consignée par écrit et portée à l'attention des travailleurs du sexe.
    4. L'employeur doit respecter le droit du travail, le droit de la sécurité sociale, le droit des sociétés, le droit commercial et le droit fiscal applicables, ainsi que les conventions collectives et les règlements en vigueur concernant l’occupation de travailleurs étrangers.
    5. L'employeur doit veiller à ce que chaque pièce de l'établissement où s'exerce le travail sexuel soit équipée d'un bouton d’urgence, ainsi qu'à ce que le travailleur du sexe dispose d'un bouton d’urgence mobile qui le relie immédiatement à la personne de référence, lorsque le travailleur du sexe effectue des tâches en dehors de l'enceinte de l'établissement.
    6. L'employeur doit garantir l'accès aux locaux aux organisations socio-médicales indépendantes de l'employeur qui sont orientées sur le bien-être des travailleurs, ainsi qu'aux associations professionnelles de travailleurs du sexe, y compris les organisations représentatives des travailleurs.
    7. Outre la réglementation existante en matière de bien-être au travail, l’employeur doit respecter un certain nombre de conditions supplémentaires concernant la sécurité, la santé, le bien-être et la qualité du travail des travailleurs du sexe.

    Ces conditions supplémentaires sont reprises dans un arrêté royal et concernent l'obligation de l'employeur de :

    • mettre à disposition une pièce de dimensions minimales pour effectuer le travail sexuel ;
    • fournir des préservatifs aux travailleurs du sexe ;
    • fournir des douches et des articles d’hygiène;
    • fournir suffisamment de linge de lit et de bain propre ;
    • afficher certaines informations dans l'établissement ;
    • prévoir une procédure concernant la disponibilité de la personne de référence, une procédure pour répondre au bouton d'urgence et une procédure pour savoir quels travailleurs du sexe sont présents dans l'établissement ;
    • s'assurer que tout est effectivement compris par tous les travailleurs du sexe.

    De plus amples informations sur les obligations en matière de bien-être au travail sont disponibles sur le site web du BESWIC

    Procédure d’agrément pour les employeurs

    Les personnes morales qui souhaitent obtenir un agrément pour occuper légalement des travailleurs du sexe doivent introduire une demande par envoi recommandé auprès du Service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale (rue Ernest Blerot 1, 1070 Bruxelles).

    Pour être recevable, la demande doit comporter une note détaillée accompagnée de documents justificatifs par lesquels le demandeur démontre que toutes les conditions formelles d'autorisation préalable ont été remplies (voir ci-dessus).

    La demande doit inclure les données d'identification des administrateurs (nom, prénom et numéro de registre national) de l'entité juridique demandant l’agrément. Un extrait de casier judiciaire datant de moins de trois mois doit être présenté pour chaque administrateur. Tout changement d’administrateur(s) doit être immédiatement notifié au SPF Emploi, Travail et Concertation sociale (même après l'octroi de l’agrément).

    Le dossier de demande doit également contenir le nom et les coordonnées d'une personne de contact, y compris un numéro de téléphone et une adresse e-mail, que l'administration peut contacter à propos de la demande transmise.

    Si la demande est recevable, le dossier est transmis au service compétent pour examen approfondi de la demande.

    En cas de décision favorable, un arrêté ministériel d’agrément est publié au Moniteur belge. L’agrément commence le jour de la publication de l'arrêté ministériel au Moniteur belge.  L'arrêté ministériel attribue un numéro d’agrément à l'employeur agréé.  Ce numéro d’agrément doit être mentionné dans les contrats de travail que l'employeur conclut avec ses travailleurs du sexe.

    En cas de décision défavorable, une décision de refus motivée sera notifiée au demandeur.

    Sans préjudice d’autres formes d’inspection, il est prévu également un contrôle auprès de l’employeur agréé par les services d’inspection dans les six mois de la délivrance de l’agrément. 

    Ce faisant, les inspecteurs sociaux vérifient sur le terrain si toutes les conditions d’occupation prévues par la loi du 3 mai 2024 sont remplies pour chaque unité d'établissement. 

    Suspension ou retrait de l’agrément

    S'il apparaît qu'un employeur agréé, ne remplit plus les conditions nécessaires pour être agréé ou ne respecte pas, d'une manière ou d'une autre, les dispositions de la loi, dans une ou plusieurs de ses unités d'établissement, son agrément peut être suspendu ou retiré.

    Fin du contrat de travail du travailleur du sexe

    Le travailleur du sexe a le droit de mettre fin à son contrat de travail sans préavis ni indemnité.  Ce droit est lié au principe général du libre consentement dans le domaine de la sexualité et au fait que nul ne peut être contraint d’accepter de prester un travail du sexe.

    Si l'employeur souhaite mettre fin au contrat de travail du travailleur du sexe, il doit suivre les règles ordinaires en matière de rupture du contrat de travail.

    En cas de retrait de l’agrément de l'employeur, le travailleur a droit à une indemnité de rupture à charge de l'employeur conformément aux dispositions de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

    Pour l'application de la réglementation en matière de chômage, il est tenu compte de la spécificité du travail du sexe. Pour plus d'informations sur le chômage, veuillez contacter l’ONEM.